Denis Sassou Nguesso invité d’honneur du 5ème Forum du développement durable

Le dictateur congolais Denis Sassou Nguesso, qui a pillé économiquement et écologiquement les ressources du Congo Brazzaville depuis 25 ans, sera l’invité d’honneur du 5ème forum sur le développement durable, organisé les 6 et le 7 décembre au Sénat, sous le haut patronage de Nicolas Sarkozy. Pire que l’honneur qui est ainsi fait à Sassou, au mépris de son peuple, c’est le silence de la classe politique française sur sa venue qui est assourdissant.

Chirac/Sarkozy : des méthodes qui se ressemblent

En mars 2006 à l’Elysée, Jacques Chirac inaugurait sa conférence internationale sur les mécanismes innovants de financement du développement (taxe sur les billets d’avions etc.) sous l’oeil d’un invité d’honneur pour le moins surprenant, Denis Sassou Nguesso, surtout connu pour financer avec l’argent public le développement des paradis fiscaux, de son patrimoine immobilier et des dépenses somptuaires de son fils... [1] sans oublier les 3 000 assassinats qui lui sont imputés lors de sa première dictature (1979-1991) et les massacres qu’il a fomentés pour reprendre le pouvoir et s’y maintenir en 1997 et 1998-99. L’un des plus connus, dit "des disparus du Beach", aurait fait près d’un millier de victimes. Se refusant, depuis, à faire condamner les coupables, malgré les poursuites engagées en France et au Congo, il a tout dernièrement interdit la commémoration organisée à Brazzaville par la FIDH pour rendre hommage aux victimes alors même que se tenait dans la ville la 42ème session de la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples (CADHP)... [2]

On s’en souvient, Sarkozy nous avait promis la rupture lors de sa campagne avec l’"Afrique de papa" et la fin du soutien aux régimes non-démocratiques. Le choix du Gabon pour sa première tournée africaine, l’hommage à Foccart laissaient déjà planer un doute... Mais l’ouverture des archives de l’Elysée sur le Rwanda, l’abandon de la thèse du suicide dans l’affaire Borrel, l’accord de Sarkozy à l’ouverture d’une enquête pour recel de détournement de fonds publics, la création d’une mission d’information parlementaire sur la politique africaine de la France- donnaient pourtant quelques raisons d’espérer en une évolution...

Mais voilà, les traditions sont tenaces. Même les pires. Les 6 et 7 décembre 2007, le 5ème forum du développement durable qui se déroulera dans un des palais de la République française au Sénat sous le haut patronage du président de la République, aura pour guest star un certain... Denis Sassou Nguesso. Le même. Preuve en est le communiqué de presse des organisateurs de ce forum, entièrement centré sur la présence du bon Sassou.

Une invitation qui fait honte à notre République

Comment ne pas voir dans cette invitation le signe de la continuité dans les relations France-Afrique ? Pourquoi inviter le président du Congo Brazzaville, qui est, à ce jour, loin d’être un expert du développement durable (s’est il un jour insurgé contre le pillage de la forêt équatoriale orchestrée par ses proches ?), ni même du développement (70% de la population vit toujours en dessous du seuil de pauvreté) ... si ce n’est lui remettre un brevet d’honorabilité et reconnaître ses méthodes autoritaires et sanguinaires ? Si l’on suit ce raisonnement, il ne serait pas etonnant d’assister dans les prochaines semaines au classement sans suite de l’enquête préliminaire du Parquet de Paris qui met en cause le patrimoine exorbitant du dictateur congolais en France - alors que tous les éléments de la plainte ont été vérifiés et confirmés par l’enquête... Les associations à l’origine de la plainte ont en tout cas l’air de s’en inquiéter comme en témoigne leur dernier communiqué de presse. [3]

Que n’entendrions-nous pas si Poutine, Musharaf ou le chef de la junte birmane était invité à cette tribune ? Mais voilà, il semblerait que l’opinion publique se soit fait une raison : l’Afrique serait condamnée à la dictature et à la corruption, il n’aurait pas de mal à ce que la France soutienne ces régimes, sinon les Américains ou les Chinois le feraient à notre place.

Alors osons dire : non ! La France à laquelle nous sommes fiers d’appartenir n’est pas celle des complaisances et des compromissions avec les pires criminels de la planète. La France dont nous voulons faire fructifier l’héritage est celle des Libertés et des droits de l’Homme. Si la politique étrangère de la France doit être dictée par le cynisme et les intérêts à court terme des actionnaires de Total, Bolloré et la BNP Paribas, acteurs économiques majeurs du Congo-Brazzaville, alors supprimons le Ministère des affaires étrangères, le secrétariat d’Etat au droits de l’Homme et celui à la Coopération et plaçons tous ces services sous la houlette du Medef - au moins, cela aurait le mérite de la franchise dont se réclame tant l’hôte de l’Elysée...